Saturday, January 14, 2023

Extraits de "Le Voyageur impruden", de René Barjavel

 L'avenir sombre dans le passé dès qu'il a cessé d'être futur. Le présent n'existe pas. Vouloir l'éterniser, c'est éterniser le néant.

§

Comme je me sens mesquin. Nous ne nous donnons à la femme que pour nous reprendre aussitôt. Nous sommes pleins de calculs et d'arrière-pensées. Après une seconde d'abandon, nous nous rétractons dans notre cuirasse de suffisance et d'égoïsme. 

§

Les hommes-cerveaux, comme les autres, obéissent à la loi suprême, qui est la loi de l'espèce confondue désormais avec celle de la cité. Elle soumet l'humanité à ses obligations comme la pesanteur ou toute autre loi physique. Son règne est évident. Moins évident au XXème siècle, n'est-il pas tout aussi rigoureux ? Quelle différence y a-t-il entre la ronde des petits mâles autour de la reine, et le quadrille que les hommes de notre siècle dansent avec les femmes nos contemporaines ? La nécessité puissante de la reproduction les meut comme pantins. Ils se croient libres, chantent d'amour, et les yeux et l'âme de leur bien-aimée. Et la loi de l'espèce les mène par le bout du sexe. Tristan, Roméo sont de simples porte-graine. Ils ont mission de la déposer dans le terrain qui l'attend et qui est toujours le même, qu'il se nomme Iseult ou Juliette. Le reste est littérature. 

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