Friday, October 29, 2021

Extrait de Et si on écoutait la nature, de Laurent Tillon

 [...] Le milieu ne pouvant accueillir qu'un nombre limité et juste d'individus pour chaque espèce, les effectifs sont contrôlés par des phénomènes naturels qui permettent les débordements et de maintenir une forme d'équilibre. La météo en est un. Et cet exemple nous rappelle alors que l'homme est bien une espèce à part, qui a su se soustraire pour partie aux règles et solutions inventées par la nature pour éviter qu'une espèce ne domine les autres. Ainsi, aucune limite (ou presque...) au développement et à l'accroissement de la population pour Homo Sapiens.

Wednesday, October 27, 2021

Extraits de Méditer à coeur ouvert, de Frédéric Lenoir

Cela m'évoque aussi ce qu'affirme Spinoza dans son livre IV de L'Ethique : "Un affect ne peut être supprimé ou contrarié que par un affect plus fort que l'affect à contrarier." Tout est dit : on ne peut quitter une émotion ou un sentiment de peur, de tristesse, de colère, une dépression, qu'en mobilisant une autre émotion ou sentiment positif : du plaisir, de la gratitude, de l'amour, de la joie. 

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En revanche, un individu concentré sur son travail ou sur une activité quelconque, attentif à ce qu'il regarde ou écoute, etc. aura un bon équilibre en neuromédiateurs, ce qui augmentera son plaisir et son sentiment de bien-être. 

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Marc Aurèle, cet empereur romain pétri de philosophie stoïcienne, écrivait ainsi dans ses Pensées : "Ne te laisse pas troubler par la représentation de toute ta vie (...) Voilà ce qui suffit : le jugement fidèle à la réalité que tu émets dans l'instant présent, l'action communautaire que tu accomplis dans l'instant présent, la disposition à accueillir avec bienveillance dans l'instant présent tout événement que produit la cause extérieure. " En bon épicurien, Montaigne insiste dans ses Essais, sur la nécessité de prendre conscience et de savourer les moments heureux de l'existence, et d'en jouir pleinement dans l'instant, sans autre souci : "Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors."

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Donner une signification à sa vie, c'est trouver des raisons de vivre. C'est tenter de répondre, même provisoirement, à la question "pourquoi ai-je envie de continuer à vivre ?". Cette question est d'autant plus forte lorsque nous sommes confrontés à la proximité de la mort : au fond, est-ce que je me bats juste pour survivre, de manière pulsionnelle et par peur de la mort, ou bien est-ce que je souhaite encore vivre pleinement ? Et si oui, pourquoi ? Qu'est-ce que je désire encore accomplir que je n'ai pas pu réaliser ? Qu'est-ce qui me semble essentiel, important, superflu ? Quelles sont les choses précieuses auxquelles je souhaite consacrer mon énergie pour le temps qui me reste à vivre ? Existe-t-il des personnes autour de moi à qui je souhaite donner de l'amour, avec lesquelles je souhaite construire un projet individuel ou collectif que je pourrais aider et soutenir ? À qui je pourrais transmettre quelque chose qui soit utile ? En m'interrogeant de la sorte, je peux parvenir à donner une signification à mon existence, à trouver des bonnes raisons de vivre. 

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"Face à l'absurde, les plus fragiles avaient développé une vie intérieure qui leur laissait une place pour garder l'espoir et questionner le sens, écrit-il (...). Il fallait que nous changions du tout au tout notre attitude à l'égard de la vie. Il fallait que nous apprenions par nous-mêmes et, de plus, il fallait que nous montrions à ceux qui étaient en proie au désespoir que l'important n'était pas ce que nous attendions de la vie, mais ce que la vie attendais de nous. Au lieur de se demander si la vie avait un sens, il fallait s'imaginer que c'était la vie qui nous questionnait, journellement, et à toute heure.". Ce que nous enseigne Viktor Frankl, c'est que celui qui a un "pourquoi" peut vivre avec n'importe quel "comment". Que donner du sens à sa vie est le meilleur moyen de survivre, de se reconstruire après une épreuve, de déployer pleinement tout notre potentiel vital pour grandir en humanité. 

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Le psychologue Carl Gustav Jung fait remarquer que vers le milieu de leur vie, la plupart des individus traversent une crise que l'on pourrait définir, justement, comme une crise du sens. Ils se posent des questions existentielles sur leurs principaux choix de vie, tant sur le plan personnel que professionnel : est-ce que l'existence que je mène me convient ? Ai-je choisi le bon métier ? Est-ce que je désire rester avec mon conjoint ou célibataire ? Ai-je choisi le bon lieu de vie ? De manière générale, les questions centrales sont : est-ce que je suis heureux et est-ce que ma vie a du sens ? Pour Jung, l'individu entame alors un "processus d'individuation", c'est à dire un voyage intérieur qui le conduit à descendre dans les profondeurs de lui-même, à la rencontre de son soi, de son être profond, au-delà de toutes les influences extérieures (parents, culture, religion). 

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Car le refus de la réalité redouble notre souffrance : nous souffrons du mal qui nous affecte et nous souffrons psychologiquement et moralement du déni ou du refus du réel qui s'impose à nous. Epictète utilise l'image d'un chien attaché à un chariot tiré par deux boeufs, qui représente la puissance inexorable du destin. Si le chariot tourne à gauche alors que le chien veut aller à droite et qu'il tire de toutes ses forces sur sa corde pour suivre son désir, il sera violemment rappelé à l'ordre par les boeufs et contraint d'aller dans leur direction en souffrant terriblement de la corde qui aura lacéré sa gorge. Une fois qu'il aura compris qu'il n'a d'autre choix que de suivre le chariot, il pourra gambader sans fatigue derrière lui, au lieu de souffrir [...]

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[...] comme il l'écrit dans Ecce Homo : "Ma formule pour ce qu'il y a de grand dans l'Homme est amor fati : ne rien vouloir d'autre que ce qui est, ni devant soi, ni derrière soi, ni dans les siècles des siècles. Ne pas se contenter de supporter l'inéluctable, et encore moins se le dissimuler (...) mais l'aimer."

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Comme le dit encore Epictète dans son Manuel  : "Ce qui tourmente les Hommes, ce n'est pas la réalité, mais les jugements qu'ils portent sur elle." Formule saisissante qui fait écho à celle de Tilopa, un moine bouddhiste du IXe siècle : "Ce ne sont pas les choses qui te lient, mais ton attachement aux choses. "

Extraits du "Roman Inachevé" de Louis Aragon

Je traîne après moi trop d'échecs et de mécomptes
J'ai la méchanceté d'un homme qui se noie
Toute l'amertume de la mer me remonte
Il me faut me prouver toujours je ne sais quoi
Et tant pis qui j'écrase et tant pis qui je broie
Il me faut prendre ma revanche sur la honte

Ne puis-je donner de la douleur Tourmenter
N'ai je pas à mon tour le droit d'être féroce
N'ai-je pas à mon tour droit la cruauté
Ah faire un mal pareil aux brisures de l'os
Ne puis-je avoir sur autrui ce pouvoir atroce
N'ai-je pas assez souffert assez sangloté 

Je suis le prisonnier des choses interdites
Le fait qu'elles le soient me jette à leur marais
Toute ma liberté quand je vois ses limites
Tient à ce pas de plus qui la démontrerait
Et c'est comme à la guerre il faut que je sois prêt
D'aller où le défi de l'ennemi m'invite 

Toute idée a pour moi besoin d'un contrepied
Je ne puis supporter les vérités admises
Je remets l'évidence elle-même en chantier
Je refuse midi quand il sonne à l'église
Et si j'entends en lui des paroles apprises
Je déchire mon coeur de mes mains sans pitié 

Je ne sais plus dormir lorsque les autres dorment
Et tout ce que je pense est dans mon insomnie
Une ombre gigantesque au mur où se déforme
Le monde tel qu'il est que follement je nie
Mes rêves éveillés semblent des Saint Denis
Qui la tête à la main marchent contre la norme

Inexorablement je porte mon passé
Ce que je fus demeure à jamais mon partage
C'est comme si les mots pensés ou prononcés
Exerçaient pour toujours un pouvoir de chantage
Qui leur donne sur moi ce terrible avantage
Que je ne puisse pas de la main les chasser

Cette cage des mots il faudra que j'en sorte
Et j'ai le coeur en sang d'en chercher la sortie
Ce monde blanc et noir où donc en est la porte
Je brûle à ses barreaux mes doigts comme aux orties
Je bats avec mes poings ces murs, qui m'ont menti
Des mots des mots autour de ma jeunesse morte 

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Tu m'as trouvé comme un caillou que l'on ramasse sur la plage
Comme un bizarre objet perdu dont nul ne peut dire l'usage
Comme l'algue sur un sextant qu'échoue à terre la marée
Comme à la fenêtre un brouillard qui ne demande qu'à entrer
Comme le désordre d'une chambre d'hôtel qu'on n'a pas faite
Un lendemain de carrefour dans les papiers gras de la fête
Un voyageur sans billet assis sur le marchepied du train
Un ruisseau dans leur champ détourné par les mauvais riverains
Une bête des bois que les autos ont prise dans leurs phares
Comme un veilleur de nuit qui s'en revient dans le matin blafard
Comme un rêve mal dissipé dans l'ombre noire des prisons
Comme l'affolement d'un oiseau fourvoyé dans la maison
Comme au doigt de l'amant trahi la marque rouge d'une bague
Une voiture abandonnée au beau milieu d'un terrain vague
Comme une lettre déchirée éparpillée au vent des rues
Comme le hâle sur les mains qu'a laissé l'été disparu
Comme le regard égaré de l'être qui voit qu'il s'égare
Comme les bagages laissés en souffrance dans une gare
Comme une porte quelque part ou peut-être un volet qui bat
Le sillon pareil du cœur et de l'arbre où la foudre tomba
Une pierre au bord de la route en souvenir de quelque chose
Un mal qui n'en finit pas plus que la couleur des ecchymoses
Comme au loin sur la mer la sirène inutile d'un bateau
Comme longtemps après dans la chair la mémoire du couteau
Comme le cheval échappé qui boit l'eau sale d'une mare
Comme un oreiller dévasté par une nuit de cauchemars
Comme une injure au soleil avec de la paille dans les yeux
Comme la colère à revoir que rien n'a changé sous les cieux
Tu m'as trouvé dans la nuit comme une parole irréparable
Comme un vagabond pour dormir qui s'était couché dans l'étable
Comme un chien qui porte un collier aux initiales d'autrui
Un homme des jours d'autrefois empli de fureur et de bruit

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[...]

J'ai quelque lassitude Est-ce l'heure est-ce l'âge
A faire ce qu'il faut pour être bien compris
Car il ne suffit pas de soigner ses images
Et de serrer de près le sens dans le langage
Il faut compter avec les sourds les ahuris

Il faut compter avec ceux-là que tout installe
Dans l'idée a priori qu'ils se font de vous
J'écris Je suis le boeuf qu'on expose à l'étal
Et mon coeur débité d'une poigne brutale
Quand il est en morceaux les gens le désavouent

Ils pensent que comme eux mesquinement je pense
Ce que je dis pour eux je le dis pour l'effet
Ils ne peuvent m'imaginer qu'à leur semblance
Ils n'ont à me prêter que leur propre indigence
Ils en sont prodigieusement satisfaits