Thursday, August 27, 2009

La Terreur Rose

Le rose n'est pas une couleur, c'est le bâtard du rouge triomphant et de la lumière coupable ; né d'un inceste où l'enfer comme le ciel ont joué un rôle, il est resté la teinte de la honte. Mais cela, je ne l'ai senti que plus tard, quand il m'était devenu impossible de sortir encore de la géhenne.
La connaissance d'après coup, celle qui arrive trop tard pour vous sauver, me rappela que le rose est jumellé à l'horreur.
Fleur sanglante des poumons phtisiques, mousse aux lèvres des hommes qui meurent la poitrine percée, tissus visqueux des foetus, prunelles affreuses des albinos morbides, témoin du virus et du spirochète, compagnon des sanies et de toutes les purulences, il a fallu l'innocence et l'admiration des enfants et des jeunes filles pour l'entourer de désirs et de préférences, et cela même démontre sa malice et sa ténébreuse essence.

Jean Ray, les Derniers Contes de Canterbury, La Terreur Rose
[...]
Ceux qui prônent la litote ont partie liée avec le monde. Il leur déplairait d'entendre soudain, surgis du silence complice, tous ces appels depuis toujours refoulés. Mais l'éloquence non plus ne sauverait rien. Le monde est fait de telle sorte que l'innocence doit périr.
Dostoïevski disait : "Si le monde permet le supplice d'en enfant innocent par une brute, je rends mon billet."
Eh bien, voici toutes mes billes
[...]

Gérard Prévot, Les Oyats, Chap 18

Monday, August 10, 2009

L'écolière

Je t'apprendrai, chère petite,
Ce qu'il te fallait savoir peu
Jusqu'à ce présent ou palpite
Ton beau corps dans mes bras de dieu.

Ta chair, si délicate, est blanche,
Telle la neige et tel le lys,
Ton sein aux veines de pervenche
Se dresse en deux arcs accomplis ;

Quant à ta bouche, rose exquise,
Elle appelle mon baiser fier ;
Mais sous le pli de ta chemise
Rit un baiser encore plus cher...

Tu passeras, humble écolière,
J'en suis sûr et je t'en réponds,
Bien vite au rang de bachelière
Dans l'art d'aimer les instants bons.

Paul Verlaine, Filles, Femmes et autres chansons