Sunday, December 06, 2015

Homme de culture

Tant que les hommes ne sauront pas que rien dans l'humaine adhérence au monde, rien de ce qui s'accumule dans leur système nerveux n'est isolé, séparé du reste, que tout se tient, s'organise, s'informe en lui, en obéissant à des lois strictes dont la plupart restent encore à découvrir, ils accepteront la division en homme productif et en homme de culture. 

Henri Laborit, Eloge de la fuite

L'angoisse des huit mois ?

Lorsque vers le huitième ou le dixième mois, son action progressive sur le milieu lui fera prendre conscience de son existence distincte du milieu qui l'entoure, il va découvrir sa mère, source de toutes ses récompenses jusque-là. Mais quand il va aussi découvrir que cet objet gratifiant n'appartient pas qu'à lui seul, mais aussi au père, aux frères et aux soeurs, il comprendre d'un seul coup qu'il peut perdre en partie sa gratification et découvrira l'oedipe, la jalousie et l'amour malheureux.

Henri Laborit, Eloge de la fuite

L'enfant cultivé

L'enfant est inculte et c'est bien sa chance. Il est énergie potentielle et non cinétique, homogénéisée. Dès qu'il entre dans la vie, ses potentialités vont s'actualiser, se figer dans des comportements conformes, envahies par l'entropie conceptuelle, incapables de retourner à leur source, de remonter le cours du temps et de l'apprentissage. Alors que le sol vierge de l'enfance pourrait donner naissance à ces paysages diversifiés où faune et flore s'harmonisent spontanément dans un système écologique d'ajustements réciproques, l'adulte se préoccupe essentiellement de sa mise en "culture", en "monoculture", en sillons tout tracés, où jamais le blé ne se mélange à la rhubarbe, le colza à la betterave, mais où les tracteurs et les bétonneuses de l'idéologie dominante ou de son contraire vont figer à jamais l'espace intérieur.
Henri Laborit, Eloge de la fuite