Sunday, December 26, 2010

Vent fou qui voles où tu veux
De fleur en fleur, de femme en femme,
Vent qui caresses les cheveux,
Vent libre, je voudrais ton âme.

Vent qui murmures dans les bois,
Comme un choeur à bouche fermée,
Certain soir, je voudrais ta voix,
Pour parler à ma bien-aimée;

Et vent qui soulèves les mers,
Qui hurles le long des rivages,
Je voudrais dans mes jours amers
Parfois aussi tes cris sauvages,

Pour y jeter tous mes sanglots,
Toutes mes colères, mes haines,
Et pour fouetter comme des flots
L'océan de la foule humaine.


La chanson du vent, Jean LAHOR

Mets ta main sur mes yeux: je ne veux plus rien voir
Et ne plus rien sentir, hors ta chère présence,
Puisque ainsi ta tendresse est mon unique espoir,
Et que ton amour sûr est ma seule croyance.

Mets ta main sur mes yeux, mets mon front sur ton coeur;
Que ton âme de fleur me caresse et pénètre,
M'imprégnant d'une exquise et mortelle langueur,
Et fais descendre en moi le calme de ton être.


Tendresse, Jean LAHOR

Wednesday, December 15, 2010

La tombe dit à la rose :
- Des pleurs dont l'aube t'arrose
Que fais-tu, fleur des amours ?
La rose dit à la tombe :
- Que fais-tu de ce qui tombe
Dans ton gouffre ouvert toujours ?

La rose dit : -Tombeau sombre,
De ces pleurs je fais dans l'ombre
Un parfum d'ambre et de miel.
La tombe dit : - Fleur plaintive,
De chaque âme qui m'arrive,
Je fais un ange du ciel.

Victor HUGO, Les Voix Intérieures, 3 juin 1837
Jeune fille, l'amour, c'est d'abord un miroir,
Où la femme coquette et belle aime à se voir,
Et, gaie ou rêveuse, se penche ;
Puis, comme la vertu, quand il a votre coeur,
Il en chasse le mal et le vice moqueur,
Et vous fait l'âme pure et blanche ;

Puis on descend un peu, le pied vous glisse... - Alors
C'est un abîme ! en vain la main s'attache aux bords,
On s'en va dans l'eau qui tournoie ! -
L'amour est charmant, pur et mortel. N'y crois pas !
Tel l'enfant, par un fleuve attiré pas à pas,
S'y mire, s'y lave et s'y noie.

Victor HUGO, Les Voix Intérieures, 25 février 1837
Puisqu'ici-bas toute âme
Donne à quelqu'un
Sa musique, sa flamme,
Ou son parfum ;

Puisqu'ici toute chose
Donne toujours
Son épine ou sa rose
A ses amours ;

Puisqu'avril donne aux chênes
Un bruit charmant ;
Que la nuit donne aux peines
L'oubli dormant ;

Puisque l'air à la branche
Donne l'oiseau ;
Que l'aube à la pervenche
Donne un peau d'eau ;

Puisque, lorsqu'elle arrive
S'y reposer,
L'onde amère à la rive
Donne un baiser ;

Je te donne à cette heure,
Penché sur toi,
La chose la meilleure
Que j'aie en moi !

Reçois donc ma pensée,
Triste d'ailleurs,
Qui, comme une rosée,
T'arrive en pleurs !

Reçois mes voeux sans nombre,
O mes amours !
Reçois la flamme ou l'ombre
De tous mes jours !

Mes transports plein d'ivresses,
Purs de soupçons !
Et toutes les caresses
De mes chansons !

Mon esprit qui sans voile
Vogue au hazard,
Et qui n'a pour étoile
Que ton regard !

Ma muse, que les heures
Bercent râvant,
Qui, pleurant quand tu pleures,
Pleure souvent !

Reçois, mon bien céleste,
O ma beauté,
Mon coeur, dont rien ne reste,
L'amour ôté !

Victor HUGO, Les Voix Intérieures, 19 mai 1836
Venez que je vous parle, ô jeune enchanteresse !
Dante vous eût faite ange et Virgile déesse.
Vous avez le front haut, le pied vif et charmant,
Et vous pourriez porter, fière entre les plus fières,
Le cuirasse d'azur des antiques guerrières.
Tout essaim de beautés, gynécée ou sérail,
Madame, admirerait vos lèvres de corail.
Cellini sourirait à votre grâce pure,
Et, dans un vase grec sculptant votre figure,
Il vous ferait sortir d'un beau calice d'or,
D'un lys qui devient femme en restant lys encore,
Ou d'un de ces lotus qui lui doivent la vie,
Etranges fleurs de l'art que la nature envie !

VEnez que vous parle, ô belle aux yeux divins !
Pour la première fois quand près de vous je vins,
Ce fut un jour doré. Ce souvenir, madame,
A-t-il comme en mon coeur son rayon dans votre âme ?
Vous souriez. Mettez votre main dans ma main,
Venez. Le printemps rit, l'ombre est sur le chemin,
L'air est tiède, et là-bas, dans les forêts prochaines,
La mousse épaisse et verte abonde au pied des chênes.

Victor HUGO, Les Voix Intérieures, 21 avril 1837
Quelle est la fin de tout ? la vie, ou bien la tombe ?
Est-ce l'onde où l'on flotte ? est-ce l'ombre où l'on tombe ?
De tant de pas croisés quel est le but lointain ?
Le berceau contient-il l'homme ou bien le destin ?
Somme-nous ici bas, dans nos maux, dans nos joies ?
Des rois prédestinés ou de fatales proies ?
O Seigneur, dites-nous, dites-nous, ô Dieu fort,
Si vous n'avez créé l'homme que pour le sort ?
Si déjà le calvaire est caché dans la crèche ?
Et si les nids soyeux, dorés par l'aube fraîche,
Où la plume naissante éclôt parmi les fleurs,
Sont faits pour les oiseaux ou pour les oiseleurs ?

Victor HUGO, Les Voix Intérieures, 24 mars 1837

Sunday, December 12, 2010

Quand j'étais jeune, je me demandais comment un artiste que je n'appréciais pas et ne considèrais même pas comme de la musique (Stravinsky) pouvait avoir autant influencé un autre artiste que j'adorais (Frank Zappa).
J'ai alors commencé à m'intéresser aux structures musicales et leurs règles, et voir comment on pouvait les respecter, les utiliser, les détourner, les éviter.
On ne peut être libre que si l'on comprend les règles.

Ozark HENRY, interview du 12 décembre 2010 dans "My Generation", Classic 21.