Wednesday, October 27, 2021

Extraits de Méditer à coeur ouvert, de Frédéric Lenoir

Cela m'évoque aussi ce qu'affirme Spinoza dans son livre IV de L'Ethique : "Un affect ne peut être supprimé ou contrarié que par un affect plus fort que l'affect à contrarier." Tout est dit : on ne peut quitter une émotion ou un sentiment de peur, de tristesse, de colère, une dépression, qu'en mobilisant une autre émotion ou sentiment positif : du plaisir, de la gratitude, de l'amour, de la joie. 

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En revanche, un individu concentré sur son travail ou sur une activité quelconque, attentif à ce qu'il regarde ou écoute, etc. aura un bon équilibre en neuromédiateurs, ce qui augmentera son plaisir et son sentiment de bien-être. 

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Marc Aurèle, cet empereur romain pétri de philosophie stoïcienne, écrivait ainsi dans ses Pensées : "Ne te laisse pas troubler par la représentation de toute ta vie (...) Voilà ce qui suffit : le jugement fidèle à la réalité que tu émets dans l'instant présent, l'action communautaire que tu accomplis dans l'instant présent, la disposition à accueillir avec bienveillance dans l'instant présent tout événement que produit la cause extérieure. " En bon épicurien, Montaigne insiste dans ses Essais, sur la nécessité de prendre conscience et de savourer les moments heureux de l'existence, et d'en jouir pleinement dans l'instant, sans autre souci : "Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors."

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Donner une signification à sa vie, c'est trouver des raisons de vivre. C'est tenter de répondre, même provisoirement, à la question "pourquoi ai-je envie de continuer à vivre ?". Cette question est d'autant plus forte lorsque nous sommes confrontés à la proximité de la mort : au fond, est-ce que je me bats juste pour survivre, de manière pulsionnelle et par peur de la mort, ou bien est-ce que je souhaite encore vivre pleinement ? Et si oui, pourquoi ? Qu'est-ce que je désire encore accomplir que je n'ai pas pu réaliser ? Qu'est-ce qui me semble essentiel, important, superflu ? Quelles sont les choses précieuses auxquelles je souhaite consacrer mon énergie pour le temps qui me reste à vivre ? Existe-t-il des personnes autour de moi à qui je souhaite donner de l'amour, avec lesquelles je souhaite construire un projet individuel ou collectif que je pourrais aider et soutenir ? À qui je pourrais transmettre quelque chose qui soit utile ? En m'interrogeant de la sorte, je peux parvenir à donner une signification à mon existence, à trouver des bonnes raisons de vivre. 

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"Face à l'absurde, les plus fragiles avaient développé une vie intérieure qui leur laissait une place pour garder l'espoir et questionner le sens, écrit-il (...). Il fallait que nous changions du tout au tout notre attitude à l'égard de la vie. Il fallait que nous apprenions par nous-mêmes et, de plus, il fallait que nous montrions à ceux qui étaient en proie au désespoir que l'important n'était pas ce que nous attendions de la vie, mais ce que la vie attendais de nous. Au lieur de se demander si la vie avait un sens, il fallait s'imaginer que c'était la vie qui nous questionnait, journellement, et à toute heure.". Ce que nous enseigne Viktor Frankl, c'est que celui qui a un "pourquoi" peut vivre avec n'importe quel "comment". Que donner du sens à sa vie est le meilleur moyen de survivre, de se reconstruire après une épreuve, de déployer pleinement tout notre potentiel vital pour grandir en humanité. 

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Le psychologue Carl Gustav Jung fait remarquer que vers le milieu de leur vie, la plupart des individus traversent une crise que l'on pourrait définir, justement, comme une crise du sens. Ils se posent des questions existentielles sur leurs principaux choix de vie, tant sur le plan personnel que professionnel : est-ce que l'existence que je mène me convient ? Ai-je choisi le bon métier ? Est-ce que je désire rester avec mon conjoint ou célibataire ? Ai-je choisi le bon lieu de vie ? De manière générale, les questions centrales sont : est-ce que je suis heureux et est-ce que ma vie a du sens ? Pour Jung, l'individu entame alors un "processus d'individuation", c'est à dire un voyage intérieur qui le conduit à descendre dans les profondeurs de lui-même, à la rencontre de son soi, de son être profond, au-delà de toutes les influences extérieures (parents, culture, religion). 

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Car le refus de la réalité redouble notre souffrance : nous souffrons du mal qui nous affecte et nous souffrons psychologiquement et moralement du déni ou du refus du réel qui s'impose à nous. Epictète utilise l'image d'un chien attaché à un chariot tiré par deux boeufs, qui représente la puissance inexorable du destin. Si le chariot tourne à gauche alors que le chien veut aller à droite et qu'il tire de toutes ses forces sur sa corde pour suivre son désir, il sera violemment rappelé à l'ordre par les boeufs et contraint d'aller dans leur direction en souffrant terriblement de la corde qui aura lacéré sa gorge. Une fois qu'il aura compris qu'il n'a d'autre choix que de suivre le chariot, il pourra gambader sans fatigue derrière lui, au lieu de souffrir [...]

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[...] comme il l'écrit dans Ecce Homo : "Ma formule pour ce qu'il y a de grand dans l'Homme est amor fati : ne rien vouloir d'autre que ce qui est, ni devant soi, ni derrière soi, ni dans les siècles des siècles. Ne pas se contenter de supporter l'inéluctable, et encore moins se le dissimuler (...) mais l'aimer."

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Comme le dit encore Epictète dans son Manuel  : "Ce qui tourmente les Hommes, ce n'est pas la réalité, mais les jugements qu'ils portent sur elle." Formule saisissante qui fait écho à celle de Tilopa, un moine bouddhiste du IXe siècle : "Ce ne sont pas les choses qui te lient, mais ton attachement aux choses. "

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