Les oiseaux racontent comment vaste est la forêt, jusqu'où le jour s'en va courir.
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Nous sommes plus que bouche et pelages reliés à la longue nuit laiteuse. La vie d'un loup advient quand le ciel, quand les arbres, quand le vent, quand les humeurs lui disent combien ils le veulent, lui, gardien des forêts et des sources. Je chancelle, tombe, me relève, corps mal assuré, encore rattaché aux mamelles de la nuit. Mère rentre dans la tanière. Je la suis. Mes frères aussi.
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Le vieux hêtre raconte, il veille sur moi comme les miens ont veillé sur lui et sa progéniture, mordant la cuisse des mangeurs d'herbes et de pousses d'arbres. La forêt compte sur nous, les loups.
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La forêt est plein d'alertes, la forêt est en émoi. Les oiseaux font grandir les arbres vers le ciel.
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Mère halète, ses yeux se tournent au-dedans, rejoignent leur tanière, la nuit d'où ils ont éclos.
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Me méfier de l'étranger qui fait taire la forêt.
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Les arbres ne sont jamais paisibles. Ils traquent la lumière. Il hissent leurs troncs hésitants, échappent aux bouches des bêtes que nous chassons, étendent l'empire des racines, restent longtemps tapis sous les branchages. , patientent, lapent des gouttes de lumière, guettent, se tordent plus haut, se bousculent pour piéger la clarté dans leurs mâchoires, leurs feuilles graciles bordées de petits crocs, leurs feuilles vernies et fourbes, leurs feuilles vibrantes, leurs bouquets d'aiguilles goulues brandis vers le ciel, affamées de soleil. Point de repos, il faut grandir encore, se hisser, échafauder des cimes acrobates, tirer la sève jusqu'aux branches funambules, tenir l'équilibre, toujours tendre le piège des feuilles et boire la lumière de chaque aube, boire jusqu'au soir, les grains de soleil coulent à travers les longs corps ligneux, au-dedans de leurs bras lutteurs, de leurs troncs vrillés, la lumière les nourrit comme le sang contente nos ventres ardents. Les arbres sont comme nous, la dame aux arbres ne le sait pas vraiment. Ce sont des fauves.
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Les hommes parlent des guerres menées contre les loups, des guerres qui ont duré des siècles, des guerres qui malmènent nos forêts. Nous les fauves sommes patients, comme les graines savent l'être.
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La dame est revenue. Elle me regarde en détail. Je lui parle de la pluie sur les troncs des bouleaux, d'odeurs de terre mouillée, de l'appel des aigles, de la chaleur des toisons, de mon clan. Son visage s'élargit sous ses cheveux. Je lui dis comment la forêt enfouit les os dans le ventre des vivants, comment les mouches et les renards mangent les chairs racornies, comment les grands vautours tirent sur les tendons, emportent les os dans leurs serres et les lancent sur les rocs, comment les habitants de la forêt se dispersent dans un infatigable fourmillement et, pour finir, cessent d'être.
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Le ciel devient plus profond, la nuit se hâte, les arbres poussent des cris silencieux, les vallons s'ouvrent, libèrent des parfums enfouis, les torrents cessent de mugir. Les animaux s'unissent à la nuit. Les solitudes se dissipent. tout écoute ce chant qui enfle au-dessus des arbres et court après les étoiles, ce cri de la vie même. Les hommes ne savent rien de tout cela. Ils ne sont pas amoureux de la terre.
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Nous sommes des loups. Si l'un de nos tombe, d'autres se relèvent. Ensemble, nous ne mourons pas. Nous venons de la nuit. Nous allons parmi les bêtes et les hommes, nous allons parmi les chants de la forêt, à peine séparés de la terre, pleinement nous-mêmes. Vieux peuple qui revient, qui grandit, qui lutte. Je foule la terre des ancêtres, louve farouche contre la terre aux pelages chamarrés.
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Pour l'homme aux yeux doux, nous sommes les gardiens des oiseaux, des rivières et de toute la vie qui en découle. Les hommes l'ont su du temps où ils peignaient dans l'antre des cavernes. Ils adoraient les créatures nourricières et effrayantes, les créatures capables de prodiguer la vie comme les précipiter dans la mort; Les hommes on oublié. Ils veulent régir les grands équilibres
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