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Pendant que la vitesse chassait le paysage, je pensais aux gens que j'aimais, et j'y pensais bien mieux que je ne savais leur exprimer mon affection. En réalité je préférais penser à eux que les côtoyer. Ces proches voulaient toujours que "l'on se voie", comme s'il s'agissait d'un impératif, alors que la pensée offrait une si belle proximité.
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Il ne s'agirait pas de mépriser le monde, ni de manifester l'outrecuidance de la changer. Non ! Il suffirait de ne rien avoir de commun avec lui. L'évitement me paraissait le mariage de la force avec l'élégance. Orchestrer le repli me semblait une urgence. Les règles de cette dissimulation existentielle se réduisaient à de menus impératifs : ne pas tressaillir aux soubresauts de l'actualité, réserver ses colères, choisir ses levées d'armes, ses goûts, ses écoeurements, demeurer entre les murs de livres, les haies forestières, les tables d'amis, se souvenir des morts chéris, s'entourer des siens, prêter secours aux êtres dont on avait connu le visage et pas uniquement étudié l'existence statistique. En somme, se détourner. Mieux encore ! disparaître.
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Fuir, c'est commander ! C'est au moins commander au destin de n'avoir aucune prise sur vous.
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Il était difficile de faire de soi-même un monastère mais une fois soulevée la trappe de la crypte intérieure, le séjour était fort vivable. Je me passionnais pour toutes les expériences humaines du repli. Les hommes qui se jetaient dans le monde avec l'intention de le changer me subjuguaient, certes, mais quelque chose me retenait : ils finissaient toujours par manifester une satisfaction d'eux-mêmes.
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J'y découvris l'antienne des condamnés : "Le passé m'a trahi, le présent me tourmente, l'avenir m'épouvante." La marche dans les bois balayait ces effrois. J'aurais pu recomposer la ritournelle : "Le passé m'oblige, le présent me guérit, je me fous de l'avenir."
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Il fallait que les hommes fussent drôles pour s'imaginer qu'un paysage eût besoin qu'on l'aménageât. D'autres parlaient d'augmenter la réalité. Un jour peut-être s'occuperaient-ils d'éclairer le soleil ?
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Extraits de Serres chaudes, de Maurice Maeterlinck
CHASSES LASSES Mon âme est malade aujourd’hui, Mon âme est malade d’absences, Mon âme a le mal des silences, Et mes yeux l’éclairent d’ennui...
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Je suis capable de nommer "correctement" le splendide vieux pin dont les branches fouettent la fenêtre du haut par grand vent, et...
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La discrétion : n`est-ce pas justement, avec l'élégance, la caracteristique premiere de notre cervidé de poche ? En raison de sa faibl...
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