samedi, septembre 20, 2025
Extrait de Les Oscillants, de Claudio Morandini
Vraiment, je les sens osciller, ces pauvres Crottardais, dans chacun de leurs gestes, chaque jour, et si je pouvais les observer pendant leur vie tout entière, je les verrais osciller de leur naissance à leur mort, entre leur existence officielle et leur côté secret, entre leur besoin de lumière, toujours trop tenue et précaire, et leur attirance pour l'obscurité qui les poursuit jusque dans leurs maisons, dans leur sommeil, entre l'explosion hilare et triviale de leurs farces et une irritabilité qui, souvent, met brutalement fin à leurs tours les plus élaborés et révèle une mélancolie tangible. Ils cultivent des antipathies, ou plutôt des haines ataviques, et à la fois ils ne cessent d'éprouver de la curiosité. Ils disent que c'est pour tenir l'ennemi à l'œil, mais moi j'y lis aussi de la jalousie, de l'envie, un étrange mélange d'attirance pour ce qu'ils ne sont pas et ne seront jamais et, peut-être, une nostalgie inconsciente pour un temps mythique où l'harmonie régnait. Ils oscillent, mes pauvres Crottardais, entre le besoin de se cacher et la nécessité de sortir à découvert, de respirer l'air de dehors ; entre l'exigence de s'exprimer et le mutisme, entre un festin des sens, de tous les sens, y compris ceux que nous autres ne savons plus exercer, et la fermeture de tous les orifices dans le silence, dans l'obs-curité complète, dans l'absence de contact; entre un au-dessus qui s'éloigne et devient inatteignable, ou qui écrase et oppresse, et un au-dessous dans lequel s'enfoncer, enfin, et continuer de nourrir du ressentiment et des inquiétudes; entre humain et non-humain; entre vivant et non-vivant. Les oscillants, ai-je envie de les appeler. Et je finis par me sentir un peu oscillante moi aussi.
Extrait de Les Oscillants, de Claudio Morandini
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