C'est toute la longue vie d'un homme qui est enfermée dans cette reliure. J'ai l'impression de tenir le temps lui-même entre mes mains. Un temps qui peut avancer, faire un bon vers la fin, recommencer, reculer. Dans la vraie vie, le temps s'écoule toujours dans la même direction, mais dans un livre, il peut en aller autrement. C'est presque inquiétant. Sur les étagères du pasteur, les couvertures alignées sont toutes remplies de différentes sortes de temps. Celui qu'il a fallu pour écrire l'histoire, celui qu'elle décrit et celui qu'il faudra pour la lire. J'ai le vertige quand j'y réfléchis : à partir d'une certain épaisseur de reliure, le livre doit contenir plus de temps que ne peut couvrir une vie humaine. Aucune vie d'homme ne pourra jamais être assez longue pour qu'on y case toutes les choses vécues entre les pages. Aucune tête ne verra jamais défiler toutes les pensées qu'on y a inscrites. Et même si l'on passait sa vie entière à lire un volume après l'autre, on finirait par se heurter à la limite du nombre de livres et de jours restants. L'idée qu'on puisse mettre dans une grande maison plus de livres qu'on ne réussira jamais à en lire, cette idée-là me donne le tournis.
Extrait de Le premier mot, de Vassilis Alexakis
- Le soleil ignore les ombres, disait-il. Il ne soupçonne même pas qu'elles existent.
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Je suis capable de nommer "correctement" le splendide vieux pin dont les branches fouettent la fenêtre du haut par grand vent, et...
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Ah ! la complexité de ces interactions humaines, chacun de nous se baladant avec ses petits critères selon lesquels on juge les autres, tou...