samedi, juin 18, 2022

Extraits de "Pourquoi les oiseaux chantent", de Jacques Delamain

Il existe, entre groupes différents, des attractions ou des répulsions qui souvent nous semblent mystérieuses, inexplicables : ces sentiments amicaux ou hostiles, qu’il faut envisager sous leur aspect collectif puisqu’ici l’individu est noyé dans la masse, ont pourtant leurs raisons profondes, car la nature, élagueuse impitoyable, n’aime pas les bourgeons superflus ni les pousses inutiles : l’amitié désintéressée, la haine sans racines vives sont des excroissances qu’elle ne laisse pas volontiers se développer.

C'est que, pour la première fois dans la longue série ascendante des créatures, apparaît avec l'oiseau le lien qui unit deux êtres pour la vie et prolonge la passion à travers les jours sombres. Un couple s'est formé, rompant ainsi, par la tendresse mutuelle, le dur cercle du rut animal qui rapproche les sexes dans la brève pariade pour les séparer aussitôt, et enchaîne l'amour dans un déterminisme sans pitié.

Entendre ce chant (du cygne), disent les paysans de là-bas, c’est oublier tout ce qu’on sait et se souvenir de ce qu’on ne sait plus.

Le combat nuptial des mâles, s'il fut jamais féroce, est donc devenu surtout rituel. C'est une esquisse, un simulacre ou bien une cérémonie nécessaire et joyeuse à laquelle les rivaux se rendent spontanément, car elle leur permet, au contact de leurs pairs, e prendre pleine conscience de leur propre force et de leur beauté qu'ils vont déployer aux yeux de la femelle convoitée. Le geste de destruction, alourdi par l'emphase amoureuse, a perdu son mordant. Ce n'est pas que l'oiseau, par manque de courage, refuse la bataille. Mais la vraie lutte est ailleurs : lorsqu'il faudra âprement défendre le site choisi pour le nid, décourager les empiètements d'un couple voisin, les défenseurs, abandonnant tout formalisme, apporteront à la poursuite et au corps à corps une ardeur exaltée par le sentiment des chères possessions.

Avant chacun des deux grands changements de décors annuels qui transforment les aspects des choses et modifient les conditions d'existence des êtres, la nature semble ralentir son rythme et s'accorder un répit. Février, à l'entrée du printemps, août qui touche déjà à l'automne, sont des pauses : les forces vitales prennent haleine et se tendent silencieusement pour les efforts prochains.
Par certaines matinées de février, le soleil, émergeant de l'horizon, éclaire un instant en dessous la couche unie des nuages pâles et répand une lumière si douce, si immatérielle, qu'elle donne à la nature un visage inaccoutumé d'intelligence et de finesse. Une heure après, un ciel d'hiver pèse sur l'étendue morose. Tout est promesse, déception, attente. Certaines journées sont si tièdes que des abeilles visitent les premiers crocus jaunes. C'est un étonnement de ne pas voir déjà le vol de l'Hirondelle, une oppression de ne pas entendre les chants familiers du printemps. Mais, dans la soirée, le brouillard s'étend dans les vallées, monte paresseusement à l'assaut des coteaux. Demain, les arbres surgiront de la brume glacée, chargés de givre. L'hiver possède encore la terre.

Par les caprices des climats tempérés, ce lieu d'élection pourra blanchir par les gelées matinales, s'envelopper de brouillards ; il sera détrempé sous la pluie, balayé par les rafales ; la vie y sera âpre certains jours, mais c'est la terre natale. Des vallées et des marais tropicaux, des palmerais d'Afrique ou d'Asie, malgré tout ce qui pourrait les y retenir, luxe de la végétation, abondance de pâture, force du soleil, les migrateurs ont entendu l'appel du pays des nids et leurs ailes sont déjà sollicitées vers lui.


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Extraits de Serres chaudes, de Maurice Maeterlinck

CHASSES LASSES Mon âme est malade aujourd’hui, Mon âme est malade d’absences, Mon âme a le mal des silences, Et mes yeux l’éclairent d’ennui...